Lettre au commissaire enquêteur sur le Plui et le projet zone commerciale

A Neuville Saint Amand, le 26 octobre 2013

Monsieur Vuillemenot Philippe,

Président de l’Association du Collectif pour le bien-être des habitants de

Neuville Saint Amand et du département de l’Aisne

A Monsieur Blondeau,

Commissaire enquêteur sur le projet d’élaboration du schéma de cohérence

territoriale (Scot) et du document d’aménagement commercial.

Suite à l’enquête publique en cours sur les divers projets de la communauté d’agglomération qui vont tout particulièrement impacter la commune de Neuville Saint Amand, au nom de notre Association, j’ai l’honneur de vous faire part, ci-dessous, de nos observations :

Quant à la forme :

Sujet réservé à quelques initiés

- Nous sommes étonnés que ces projets aient été montés sans que la population n’ait jamais été informée, ni consultée dès le début des réflexions. Certes, quelques réunions publiques ont tout de même été organisées tardivement (vendredi après midi comme si tout le monde pouvait se libérer de son travail) mais il s’agissait là de présentation du projet, réalisé, ficelé, et non de discussion ouverte (c’est le moins que l’on puisse dire).

Quelques élus ont eu le privilège d’avoir une présentation (là encore présentation) du projet par une responsable, mais, d’une part, l’ensemble de la population n’a pu y assister, et, d’autre part, ce n’était encore là qu’une présentation.

Aucune donnée qui aurait pu justifier cette création n’a été communiqué.

Peu de communication dans notre village

- A Neuville Saint Amand, il aura donc fallu attendre que nous, Association, organisions une reunion et une distribution de tracts pour que le maire tienne enfin une séance du Conseil Municipal le 24 octobre (fin de l’enquête le 4 novembre) (réunion reportée au 30 octobre suite au quorum non atteint) pour faire le point sur le PLUi….ceci devant les seuls conseillers municipaux. Rien sur le bulletin municipal hormis l’actualité d’il y a plusieurs mois...

Il n’est pourtant pas difficile d’organiser une séance d’information publique, comme nous même l’avons d’ailleurs fait fin juin, sauf si on essaie de faire passer les choses en catimini.

Neuville semble mis à l’écart alors que fortement impacté

- Dans le même ordre d’idée, nous sommes très surpris, alors que Neuville Saint Amand est tout de même particulièrement impacté par la construction d’une zone commerciale de plus de 50 hectares, qu’aucun document ne soit visible en mairie et que les habitants soient obligés de se rendre dans d’autres communes pour y déposer leurs observations puisqu’il n’y a pas de permanence programmée sur notre commune ! De plus, alors que l’enquête débutait le 2 octobre, l’affichage, et encore sur les vitres de la mairie et non pas au tableau d’affichage réglementaire, a été fait juste le 2 au matin. La loi, certes, a été respectée, mais juste la loi, rien de plus. Et si personne ne pouvait être au courant ce n’en serait que mieux...

Dans l’appel d’offres 9167 pour la maitrise d’œuvre partielle, le nom de Neuville Saint Amand n’est même pas cité ; il est fait état de la Porte Sud de Saint Quentin… quel manque de reconnaissance pour ses habitants

Empressement excessif

- Nous ne comprenons pas l’empressement qu’il y a à faire passer ce projet, rapidement, quelques mois avant les élections municipales qui peuvent influer fortement sur celui-ci. Nous considérons qu’il serait plus sage, et aussi beaucoup plus démocratique, de préparer ce projet mais d’attendre les nouveaux élus pour entériner le projet qui entrainera d’importantes contraintes justement pour ces nouveaux élus. A moins qu’on ne veuille mettre les nouveaux élus devant le fait accompli, ce qui, pour le moins, serait peu cavalier et peu démocratique.

Quant au fond des choses :

Offre commerciale déjà très large

- Si on en croit l’INSEE Picardie (bulletin d’analyse n°51 de 2010), la population de Saint Quentin et de son arrondissement ne cesse de diminuer. Aucune implantation nouvelle de quelque nature que ce soit, ne semble pouvoir influer sur ce déclin induit par la situation socio-économique du bassin d’emploi de St-Quentin. Cela signifie que l’offre d’achat actuelle est déjà surdimensionnée et que rien ne semble devoir inverser cette tendance. Y a-t-il seulement eu une étude de marché ? Il n’en est fait état nulle part..

Il nous semble donc, en l’état actuel des choses, que les différentes grandes surfaces, commerces, restaurants, implantés sur le bassin Saint Quentinois sont amplement suffisants et satisfont une population de moins en moins nombreuse et au pouvoir d’achat de plus en plus bas. Il nous parait plus logique de continuer à développer les zones déjà existantes : Forum de Picardie, Bois de la Choque, zone des autoroutes, zone du Salicam, Zone du Royeux… On peut noter sur toutes ces zones un développement urbain inadapté, on y voit parfois des voiries ne desservant aucune activité, et ce depuis plusieurs années, pourquoi de tels aménagements ? N’y a-t-il pas là surcapacité ? De plus, dans Saint Quentin, de nombreuses friches industrielles, des usines désaffectées, existent et pourraient aisément être aménagées en commerces.

Ou est passé le site SEVESO de la SICAPA?

- Dans ce projet, on passe quasiment sous silence le danger que représente la SICAPA, classée SEVESO, implantée à Neuville et dans une proximité IMMEDIATE au regard du projet de la future zone commerciale. Certes, cette entreprise est mentionnée mais le risque est vite éludé, à peine abordé en stipulant que la zone de couleur rouge foncé est une zone d’interdiction stricte mais « ne serait pas de nature à perturber l’aménagement du territoire ». Le rédacteur du présent écrit a cependant pu participer à un exercice du P.P.I dans cette entreprise. Monsieur le Préfet de l’Aisne s’était d’ailleurs déplacé en personne pour en contrôler la bonne exécution, prouvant ainsi l’intérêt que l’Etat porte à ce genre d’entreprise, que l’on essaie maintenant de nous faire passer pour inoffensive. La fiche réflexe de la Sicapa mentionne d’ailleurs que la zone potentiellement dangereuse, en cas d’incendie, se situe dans un rayon de 200 mètres autour de l’installation. 200 mètres, CE QUI VEUT DIRE en plein dans cette future zone commerciale ! (cf. jointe)

Ligne EDF Très Haute Tension

- Cette zone est par ailleurs surplombée, du coté opposé à la SICAPA, par une ligne EDRF à Très Haute Tension de 63 000 volts. Une telle installation au dessus d’une zone commerciale n’est pas sans poser de sérieux problèmes, nous semble-t-il, bien qu’il n’y soit pas fait allusion dans ce projet. Pourtant, la réglementation en vigueur impose des règles de construction et de sécurité vis-à-vis de ces lignes. Cette ligne Très Haute Tension pourrait poser d’énormes problèmes en cas d’incendie sur les futurs bâtiments commerciaux. Il nous semble même étrange qu’au niveau du PLUi aucune recommandation particulière ne soit prise, et qu’aucune zone de non-construction ne soit définie.

Ligne SNCF de Bio Ethanol

- Nous constatons également qu’une ligne SNCF longe toute cette zone. Certes, cette ligne reçoit le petit train touristique de l’Aisne mais voit aussi les wagons citernes transportant diverses matières hautement inflammables et explosives venant du site de Bio Ethanol TEREOS d’Origny Sainte Benoite. Ce risque ne semble pas avoir été retenu par les concepteurs du projet, mais peut-on l’occulter totalement ? Peut-on accepter que des wagons d’alcool circulent sur cette petite ligne, à proximité immédiate d’un grand regroupement de population ? Une récente catastrophe survenue au Canada vient nous rappeler qu’un tel risque n’est jamais à écarter. L’état d’entretien, plus que minimal, de cette voie ferrée est d’ailleurs très alarmant, tout comme la présence contigüe aux voies d’un site de broyage de matériaux divers, (voir dossier photo).

Cette ligne est totalement atypique puisque appartenant au Conseil général et exploitée en contrat par la SNCF pour les 2 activités citées ci–dessus, ce qui est peut être un début d’explication de l’état de cette ligne.

Les accès

Le projet, tel qu’il nous est présenté, ne comporte aucun aménagement permettant de réduire les nuisances que les riverains devront supporter, notamment du fait de l’afflux de véhicules. D’après les plans fournis, les accès à ces zones se feraient par la D573 au sud, la E44 et la D1044 à l’est à hauteur du rond-point. Il est inévitable également que le flot de véhicules passera en partie par Neuville village par la D 12. De nombreux poids lourds engorgent Neuville Pont de Guise, du pont SNCF au rond point. Qu’est ce que cela deviendra si on y ajoute un flux constant de véhicules ? L’exemple de la zone commerciale de Auchan nous donne sur ce point un éclairage intéressant : les fins de semaine, les automobilistes, lassés par les embouteillages significatifs de la route d’Amiens, empruntent, pour un certain nombre, les raccourcis par la route de Fayet et créent ainsi un flot ininterrompu de véhicules sur cet axe qui n’est pas dimensionné, ce qui sature totalement la route menant à cette commune. D’ailleurs, pour remédier à cet inconvénient, un rond point est, seulement maintenant, en construction. Par ailleurs, la E44 draine déjà un important flux de véhicules et se trouve à la limite de la saturation à certaines heures de pointe. Dans ces conditions, est-il sage de rajouter du trafic sans des aménagements spécifiques ?

L’accès à Saint Quentin par la D12 à partir du village est pour le moment très rapide et direct. A n’en pas douter, les conditions de circulation seront toutes autres après la création de cette zone.

Nous pensons que ce point est crucial pour une bonne intégration de ce projet. Sans un effort conséquent et une étude sérieuse, d’importantes nuisances perturberont la vie des riverains et créeront un phénomène de rejet. Nous pouvons éventuellement admettre ce projet, mais uniquement au prix d’une remise à plat de ce point qui ne semble pas avoir fait l’objet d’une grande attention. Nous ne souhaitons pas que les accès à Neuville, comme ce fut le cas pour Fayet, soient engorgés.

Pollution visuelle

- Jusqu’à présent, le visiteur arrivant du sud par la D1044 avait, en arrivant sur Neuville Saint Amand, une vue grandiose qui lui faisait découvrir tout le bassin saint quentinois, sa basilique et les marais d’Isle.

Alors qu’une certaine importance semble être, à juste titre, portée sur les entrées de ville dans l’étude préalable, que deviendra cette perspective ? De plus, il est inévitable que de nombreux

panneaux publicitaires fleuriront, bien que cette zone soit à publicité restreinte, portant encore ainsi une atteinte forte à notre environnement.

Atteinte au patrimoine immobilier

- Le quartier de Neuville Pont de Guise, qui sera le plus touché par ce projet puisque situé juste en face, n’est certes pas résidentiel, comme peut l’être Fayet. Il est composé majoritairement d’ouvriers, de retraités et d’employés. Ces gens ont évidemment investis toutes leurs économies dans leur maison, fruit de toute une vie de travail. L’implantation d’une zone commerciale à proximité immédiate va entrainer une chute terrible de leur patrimoine. Qui voudrait acheter une maison située devant de tels commerces, avec ce que cela entraine comme nuisances sonores, de circulation routière, d’allées et venues, de papiers et emballages divers ? A-t-on seulement pensé à cet aspect des choses ?

Neuville, village voué à disparaitre

- Neuville Saint Amand est fortement imbriqué dans l’agglomération saint-quentinoise. Cependant, nous constatons que tous les terrains, hors ceux voués au projet commercial, sont classés agricoles et donc inconstructibles (à l’exception d’une parcelle dite Codevelle dans le cœur du village). Ceci fait donc qu’aucune nouvelle construction ne se fera, ce qui induit à terme une absence de développement de la population, soit pas d’enfants, voire fermeture d’écoles et mort du village.

Autre effet pervers de cette impossibilité de construire : certains propriétaires de petites parcelles vendent tout de même leur bien, qui, ne pouvant recevoir d’immeuble, sont donc voués à l’accueil de caravanes, dont les propriétaires sont souvent issus des minorités ethniques non sédentarisées, comme c’est le cas à coté de la déchetterie de Gauchy entre autres.

Il semblerait qu’il y ait une volonté d’entrainer notre village vers une mort lente…peut être pour mieux l’absorber.

Pour résumer, on peut s’interroger sur la pertinence du classement de certaines zones de la commune en voyant de la zone agricole jouxtant de la zone commerciale et urbaine.

Filière agricole menacée

- Si l’on en croit les études préliminaires à la création de ce plan, il y aurait aussi la volonté de préserver la filière agricole, or, celui-ci supprime d’un trait 50 hectares de riches terres agricoles, maillon essentiel dans notre région qui, elle, fonctionne parfaitement et est pourvoyeuse d’emplois. Nous avons du mal à comprendre que d’un coté, des terres imbriquées dans l’agglomération saint-quentinoise, difficiles d’accès, soient gelées en terres agricoles alors que ces 50 hectares sont sacrifiés ; l’inverse nous aurait paru plus réaliste et sensé, notamment au regard de ces cultivateurs qui voient ainsi leur outil de production disparaitre, parfois, pour laisser place à des friches laissées à l’abandon.

Unité du village menacée

- Neuville Saint Amand est, du fait de l’héritage historique, séparé en plusieurs entités : nous pouvons trouver Neuville village, Neuville Pont de Guise, Neuville Vallée Bourguignon, Neuville Stade de Coligny et Neuville Lorival. Par le passé, ces différentes zones ont parfois eu des problèmes pour admettre leur existence mutuelle. Chacun admet maintenant l’autre comme étant aussi neuvillois. Si une grande zone avec, comme nous l’avons souligné, un important flux de véhicules vient de nouveau séparer notre village, une autre distance sera de facto recréée et l’unité de notre village, déjà difficile à entretenir actuellement, disparaitra. Neuville deviendra un village dortoir et impersonnel. Cela, nous ne le voulons pas.

On déplore aussi qu’il n’y ait dans le PLUi aucune intention ni tentative de réunification du village, bien au contraire.

Aspect historique

- Les terres sur lesquelles est prévue cette zone commerciale sont riches d’histoire. Outre le passage de Napoléon, plus récemment, ces terres ont été le lieu d’âpres combats lors de la guerre de 1870. C’est là que les soldats du général Faidherbe, notamment la colonne du colonel Aynès, affrontèrent les prussiens. Un monument rappelle ce sacrifice et 20 corps de « mobilisés » reposent encore derrière le calvaire situé face à la SICAPA. Il nous semble peu probable qu’un centre commercial accepte une telle proximité… mais si de tels vestiges venaient à être déplacés, ou pire encore, détruits, quel exemple cela donnerait aux jeunes générations que de placer le commercial avant le sacrifice suprême et la Nation !

Ces terres sont également en plein sur la zone de la Ligne Hindenburg. Cette ligne a nécessité d’importantes destructions volontaires par les allemands pour faire un no man’s land des 2 côtés et sur des kilomètres de profondeur. Les communes touchées, dont fait évidemment partie Neuville, ont été décorées de la Croix de Guerre. On peut considérer que ces destructions, la citation reçue, et ensuite la reconstruction de 1920 et après, sont une sorte de classement qui doit préserver ces territoires surtout quand en 2014 on va célébrer le centenaire de cette guerre 1914 – 1918. On parle souvent du Chemin des Dames dont le territoire est classé à divers titres et préservé, mais rien de tel pour le Saint Quentinois, pourtant aussi touché et détruit en fin 1916 et début 1917. Une zone commerciale à cet endroit détruirait irrémédiablement ces témoignages et vestiges enfouis.

Enfin, et pour résumer très succinctement, nous pensons que le projet de cette zone commerciale n’est pas une priorité compte-tenu de la situation économique et démographique de Saint Quentin. Les terres doivent continuer à nourrir la population, à maintenir les emplois et à consolider la place de la Picardie dans la production agricole. La population de Neuville et de ses environs ne souhaite pas accueillir les nouvelles nuisances que ce projet engendrerait inévitablement. Cependant, si les élus actuels acceptent ces risques, ces destructions et font passer l’intérêt commercial de grandes marques avant le bien-être de la population et avant même la mémoire collective, alors, nous demandons instamment qu’une étude soit de nouveau faite pour traiter des accès à cette zone. Notamment, nous demandons que des voies soient exclusivement dédiées à cette fin ; qu’aucune répercussion ne puisse se faire sentir et que la circulation dans le village ne souffre, et que ses habitants ne souffrent, d’aucun impact lié à ce projet.

Beaucoup trop d’exemples, en France, sont là pour témoigner d’aménagement faits selon les exigences de grands groupes qui font modifier les règlements d’urbanisme au détriment des populations en place.

Fait à Neuville Saint Amand, le 26 octobre 2013

Le colonel ® Vuillemenot Philippe

Président de l’Association

04/11/2013